Vers un nouveau visage du froid et du chaud : entre réglementation et innovations
Cet été, deux actualités marquantes ont illustré la transformation en cours du secteur du chauffage, de la climatisation et de la réfrigération.
D’un côté, la révision de l’article CH35 allège certaines contraintes liées à l’utilisation de fluides frigorigènes dans les ERP (Établissements Recevant du Public).
De l’autre, une innovation issue du Royaume-Uni, portée par la société Barocal, explore une voie radicalement nouvelle : la pompe à chaleur barocalorique, qui fonctionnerait sans fluide frigorigène gazeux.
Deux nouvelles qui, mises en perspective, montrent à quel point les enjeux réglementaires et technologiques avancent rapidement vers un objectif commun : réduire l’impact environnemental du confort thermique.
Pourquoi le R32 est incontournable aujourd’hui
Le règlement européen F-Gaz (517/2014, révisé en 2024) fixe un cap clair : réduire progressivement la mise sur le marché des gaz fluorés (HFC) de 79 % d’ici 2030 par rapport à 2015, mesuré en équivalent CO₂.
En d’autres termes, seuls 21 % des volumes de HFC de 2015 seront encore autorisés dans cinq ans.
Dans ce contexte :
- Le R410A (GWP 2088), très utilisé dans les PAC et DRV jusqu’à récemment, est devenu trop impactant pour respecter les quotas.
- Le R32 (GWP 675), qui constitue déjà 50 % du R410A, permet de réduire par trois l’empreinte carbone en cas de fuite.
- Il offre aussi de meilleures performances énergétiques et bénéficie d’une filière déjà industrialisée (production, maintenance, récupération).
Le R32 est donc un fluide de transition indispensable pour atteindre les objectifs du F-Gaz tout en continuant à déployer massivement des systèmes thermodynamiques.
Ses limites demeurent : il reste un HFC soumis aux quotas et sa légère inflammabilité (A2L) posait jusqu’ici problème dans les ERP, d’où l’importance de la révision récente de l’article CH35.
R32 et article CH35 : un frein désormais levé
Avant la révision de l’article CH35 :
- Les contraintes étaient lourdes : zone d’exclusion d’1 mètre, ventilation permanente, détecteurs de fuite obligatoires.
- Résultat : une mise en œuvre complexe et coûteuse, qui a freiné le déploiement du R32 dans de nombreux ERP.
Depuis la révision de 2025 :
- Zone d’exclusion réduite : de 1 m à 0,25 m.
- Ventilation conditionnelle : seulement en cas de risque d’atteindre la limite d’inflammabilité (LFL).
- Détection et coupure automatiques : intégration obligatoire.
- Vérifications espacées : contrôles de sécurité tous les 3 ans.
Ces évolutions permettent enfin au R32 de se déployer largement dans les ERP, en facilitant la conception des systèmes tout en conservant des garde-fous sécuritaires.
Barocal : la pompe à chaleur sans fluide frigorigène
Pendant que la réglementation européenne s’adapte pour faciliter la transition avec le R32, certains acteurs explorent des voies beaucoup plus radicales. C’est le cas de Barocal, une jeune société issue de l’Université de Cambridge, qui développe une pompe à chaleur fondée sur un principe totalement nouveau : l’effet barocalorique.
L’idée est de se passer entièrement de fluide frigorigène gazeux. À la place, le système utilise un matériau solide, de consistance “cireuse”, dont la température varie lorsqu’on exerce ou relâche une pression mécanique. Ce comportement thermodynamique permet de reproduire le cycle d’une pompe à chaleur classique, mais sans fuite possible et sans impact lié au pouvoir de réchauffement global.
Les promesses affichées sont ambitieuses : Barocal avance une efficacité énergétique pouvant être deux à trois fois supérieure à celle des systèmes actuels, en plus d’éliminer les problèmes de GWP. L’entreprise a déjà levé des fonds importants, remporté des prix internationaux et prévoit une commercialisation à l’horizon 2028, avec des premières applications dans les data centers, les entrepôts logistiques ou les grands bâtiments tertiaires.
Cependant, plusieurs obstacles demeurent. Appliquer de fortes pressions sur un solide de manière répétée exige des mécanismes robustes et fiables. Le matériau doit également supporter des millions de cycles sans se dégrader, et le coût de fabrication devra rester compétitif pour rivaliser avec les PAC actuelles. Autrement dit, la technologie est prometteuse, mais encore au stade de la démonstration, avant de pouvoir transformer réellement le marché.
Conclusion : conjuguer innovations et sobriété
La révision de l’article CH35 et les recherches sur les PAC barocaloriques reflètent deux dynamiques complémentaires. À court terme, l’assouplissement réglementaire permet enfin de déployer massivement le R32 dans les ERP, une étape nécessaire pour répondre aux objectifs du règlement F-Gaz. À moyen et long terme, les technologies de rupture, comme celles de Barocal, laissent entrevoir un avenir où les fluides frigorigènes pourraient être remplacés par des solutions entièrement nouvelles.
Mais ces innovations, aussi enthousiasmantes soient-elles, ne doivent pas occulter une réalité essentielle : la première source de confort durable reste la conception même des bâtiments et la sobriété de nos usages. Des solutions passives existent déjà et sont immédiatement mobilisables. Les brasseurs d’air, par exemple, améliorent significativement le confort d’été avec une consommation dérisoire. Le rafraîchissement adiabatique, permet de réduire les températures intérieures sans recourir à un compresseur. Quant à l’architecture bioclimatique, elle optimise l’orientation, la protection solaire, l’inertie et la ventilation naturelle pour limiter les besoins de climatisation.
L’avenir du confort thermique passera donc par une combinaison équilibrée entre sobriété, conception intelligente et innovations technologiques. C’est dans ce dialogue entre solutions passives et systèmes actifs que se dessine un modèle énergétique réellement durable.