Le confort estival : sobriété, conception et solutions adaptées
L'évolution climatique et la fréquence accrue des épisodes caniculaires rendent la question du confort estival essentielle dans la conception des bâtiments. Ce confort, longtemps négligé au profit du confort hivernal, devient un enjeu majeur d'habitabilité, de santé, et de sobriété énergétique. Il ne s'agit pas uniquement de baisser la température, mais de construire des bâtiments qui restent vivables même lors des pics de chaleur.
1. Enjeux : confort et inconfort
Le confort thermique d'été repose sur un équilibre entre plusieurs paramètres :
- la température de l'air,
- l'humidité relative,
- la vitesse de l'air,
- les apports radiatifs (solaires et internes),
- l'inertie thermique des parois.
Un local peut devenir inconfortable dès que la température dépasse 26 à 28 °C, surtout en absence de mouvement d'air. La RE2020 introduit d'ailleurs, comme elle le peut, un indicateur de confort estival, le DH (degré-heures d'inconfort), pour quantifier ce phénomène.
L'inconfort thermique ne se traduit pas seulement par un ressenti désagréable : il peut avoir un impact direct sur la concentration, le sommeil, la productivité, et dans les cas extrêmes, sur la santé des personnes vulnérables. Il devient donc un critère à part entière dans l’évaluation des bâtiments.
2. L’enveloppe et l’architecture bioclimatique
Le confort d'été se joue avant tout dans la phase de conception. Une enveloppe bien pensée permet de réduire les apports solaires et de stocker la fraîcheur accumulée la nuit.
Les éléments clefs :
- Orientation bioclimatique : privilégier les ouvertures principales au sud pour profiter de protections solaires fixes (casquettes, débords de toit), limiter les ouvertures à l'ouest (soleil rasant difficile à contrôler).
- Protections solaires efficaces : casquettes pour les ouvertures sud, brise-soleil orientables pour l'est et l'ouest, volets extérieurs. Il est crucial de protéger les vitrages de l'extérieur pour éviter les apports solaires directs.
- Inertie thermique : les matériaux lourds (béton, terre crue, brique pleine, etc.) absorbent la chaleur en journée et la restituent lentement. Placée à l'intérieur du volume chauffé, l'inertie permet de lisser les variations de température. Les matériaux biosourcés permettent de créer un déphasage thermique (cf. article : Construire avec des matériaux biosourcés.)
- Ventilation traversante : concevoir des espaces avec deux façades opposées permet de créer des courants d'air naturels, surtout utiles la nuit.
- Compacité : une forme compacte limite les surfaces d’échange avec l’extérieur et donc les apports thermiques indésirables.
Ces choix architecturaux, peu coûteux, ont un impact majeur sur le confort et doivent être systématiquement explorés.
Il est aussi essentiel de considérer d’autres points majeurs tels que l’albédo (ou pouvoir réfléchissant d’une surface), ou la végétation mitoyenne. Cette dernière réduit l’albédo global du site sans augmenter la température de surface et favorise le rafraîchissement de l’air ambiant par évapotranspiration.
3. Le rafraîchissement
Quand la conception passive ne suffit plus à couvrir les besoins, il est possible d’introduire des systèmes de rafraîchissement.
a. Climatisation ?
La climatisation mécanique (PAC air/air, DRV, groupes froids) est une solution souvent facile mais difficilement soutenable selon la nature du projet :
- Elle consomme beaucoup d’électricité, notamment en période de pointe,
- Elle rejette de la chaleur dans l’environnement extérieur (îlot de chaleur urbain),
- Elle utilise des fluides frigorigènes à fort GWP (impact climatique),
- Elle n'encourage pas la conception passive, en devenant une solution de confort de base.
Son usage doit être réservé aux locaux qui, malgré tous les efforts passifs, n’arrivent pas à garantir un confort minimal. Ces surchauffes peuvent être dues à une fréquentation très importante, des équipements à fortes dissipations de chaleurs, des besoins de process spécifiques, etc.
Il est à noter que certains systèmes de climatisation peuvent intervenir en secours ou en appoint d’un système « passif », avec fonctionnement en free cooling par exemple.
b. Rafraîchissement adiabatique ?
Le rafraîchissement adiabatique est une technique simple et ancienne : faire évaporer de l'eau dans l'air pour le rafraîchir. Il existe deux formes :
- Direct : l’air est humidifié directement, ce qui le refroidit mais augmente aussi l’humidité intérieure. Efficace uniquement en climat chaud et sec.
- Indirect : l’air repris est humidifié et refroidi, puis il traverse un échangeur pour prérefroidir l’air neuf sans transmettre l’humidité. C’est la solution la plus pertinente en bâtiment.
Son intégration est particulièrement intéressante dans les bâtiments équipés d’une CTA (tertiaire, ERP, etc.), car :
- la ventilation est déjà installée, il n’y aura pas de surconsommations liées aux CTA,
- le surcoût d’énergie est minime (pompe, ventilateur),
- il peut être couplé à une récupération d’eaux pluviales pour fonctionner de manière encore plus sobre.
Cependant, sa mise en œuvre nécessite un dimensionnement précis du réseau aéraulique et des modes de diffusion, une bonne régulation et une gestion de l’eau adaptée (anti-légionelle, filtration).
c. Ventilation naturelle ?
La surventilation nocturne est une solution redoutablement efficace lorsqu'elle est bien anticipée.
Elle repose sur l’ouverture des fenêtres lorsque l’air extérieur est plus frais que l’air intérieur. En circulant, l’air refroidit les parois (qui ont accumulé de la chaleur le jour) et abaisse la température intérieure.
Deux approches sont possibles :
- Passive : les habitants ouvrent les fenêtres manuellement, à condition que l’architecture le permette (logements traversants, sécurisation des ouvertures).
- Active : automatisation par ouvrants motorisés, pilotés sur consigne de température intérieure/extérieure, couplés à des capteurs. Cette solution peut néanmoins présenter des risques de pannes.
Il est essentiel de prévoir des protections anti-effraction (volets à lame ajourée, garde-corps, moustiquaires) pour permettre l’ouverture nocturne sans compromettre la sécurité.
d. Les brasseurs d’air ?
Souvent sous-estimés, les brasseurs d’air (plafonniers ou muraux) sont une solution très sobre et performante :
- Ils consomment entre 20 et 70 W.
- Ils ne rafraîchissent pas l’air, mais abaissent la température ressentie de 2 à 4 °C en facilitant l’évaporation de la sueur.
- Ils s’intègrent facilement dans des logements neufs ou existants.
- Ils permettent d’éviter le recours à la climatisation dans des locaux bien conçus.
Dans une logique de confort adaptatif (on tolère des températures plus élevées si le corps peut se réguler), les brasseurs sont souvent suffisants pour garantir un bon confort sans surcoût énergétique.
Étant donné leur efficacité, leur facilité d’exploitation et de mise en œuvre, ils sont aujourd’hui reconnus par les bureaux d’études comme une mesure pertinente dans la RE2020 et parfaitement compatibles avec les objectifs de sobriété.
Conclusion
Le confort estival est un enjeu d’avenir, qui impose une approche intégrée entre :
- l’architecture passive,
- la gestion intelligente de la ventilation,
- des solutions actives sobres et ciblées.
Plutôt que de compter systématiquement sur la climatisation, il est possible d’assurer un confort thermique d’été durable en combinant inertie, protections solaires, ventilation naturelle, brasseurs d’air, voire adiabatique indirect.
Dans cette perspective, chaque projet doit trouver son propre équilibre, en fonction du climat, des usages, du niveau d’ambition et du budget. Le confort d'été est ainsi un levier stratégique pour des bâtiments à la fois plus vivables, résilients et responsables.