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L’Analyse du Cycle de Vie (ACV)

expliquée simplement pour les pros du bâtiment

L’Analyse du Cycle de Vie (ACV) expliquée simplement pour les pros du bâtiment

Avec l’entrée en vigueur de la RE2020, la notion d’impact environnemental devient centrale dans la conception des bâtiments neufs. Au cœur de cette nouvelle réglementation : l’Analyse du Cycle de Vie (ACV), un outil encore méconnu de beaucoup de professionnels du secteur. Pourtant, bien comprise, l’ACV peut devenir un véritable levier de performance environnementale et un avantage concurrentiel. Dans cet article, je vous propose une explication simple et concrète de ce qu’est l’ACV appliquée au bâtiment.

1. C’est quoi l’ACV d’un bâtiment ?

L’ACV est une méthode normalisée (ISO 14040/44) qui permet d’évaluer les impacts environnementaux d’un bâtiment tout au long de son existence. Cela comprend :

  • La fabrication des matériaux (extraction, transformation, transport)
  • Le chantier
  • L’exploitation (consommations d’énergie, entretien, remplacement des équipements)
  • La fin de vie (démolition, valorisation ou mise en décharge des déchets)

Cette analyse « du berceau à la tombe » (cradle to grave) permet de calculer, entre autres, le bilan carbone complet du projet, en kgéqCO2, du bâtiment ainsi que de sa parcelle.

Les objectifs réglementaires fixés par la RE2020 imposent des résultats sur l’IC énergie et l’IC construction.

L’IC énergie (Impact sur le changement climatique associé aux consommations d’énergie) évalue les émissions de gaz à effet de serre des énergies consommées pendant la durée de vie du bâtiment.

L’IC construction évalue les émissions de gaz à effet de serre des produits de construction et des équipements ainsi que de leur mise en œuvre sur le projet. Elle tient compte des impacts des composants bâtiment et parcelle mais aussi des impacts du chantier.

Pour le bâtiment, l’ACV tient compte de 13 lots :

1.      VRD

2.      Fondations et infrastructures,

3.      Superstructure et maçonnerie,

4.      Couverture, étanchéité, charpente et zinguerie,

5.      Cloisonnement, doublage, plafonds suspendus et menuiseries intérieures,

6.      Façades et menuiseries extérieures,

7.      Revêtements des sols, murs et plafonds. Chapes, peintures et produits de décoration,

8.      CVC,

9.      Installations sanitaires,

10.  Réseaux d’énergies CFO,

11.  Réseaux de communications CFA,

12.  Appareils élévateurs et autres équipements de transport intérieur,

13.  Equipements de production locale d’électricité.


Pour la partie parcelle, les éléments suivants sont à prendre en compte :

1.      La récupération et le stockage des eaux pluviales,

2.      Les éléments pour pompage d’eau, pour utilisation sur la parcelle,

3.      Les systèmes de pré-traitement des eaux usées sur site,

4.      Les voies d’accès sur la parcelle,

5.      Les revêtements extérieurs,

6.      Les ouvrages de soutènement des sols sur la parcelle,

7.      Les aménagements paysagers : terrasses et petits murets,

8.      Les éléments de clôture de la parcelle,

9.      Les éclairages d’extérieurs généraux,

10.  Les éclairages d’extérieurs architecturaux et décoratifs.


Le contributeur « Chantier » intègre les éléments suivants :

1.      Les consommations d’énergies du chantier (groupes électrogènes, bases vies, engins de chantier, etc.),

2.      Les consommations et rejets d’eau du chantier,

3.      L’évacuation et le traitement des déchets,

4.      Les composants utilisés pour les ouvrages provisoires.


Les consommations et rejets d’eau liés à la phase d’exploitation sont également pris en compte à titre indicatif, mais n’influencent pas les indicateurs réglementaires (Ic énergie et Ic construction).

Dans la RE2020, l’ACV est dite « dynamique », car elle prend en compte l’évolution des émissions dans le temps (avec un facteur d’impact temporel).

2. Pourquoi l’ACV est-elle au cœur de la RE2020 ?

La RE2020 ne se limite plus aux consommations d’énergie : elle intègre pour la première fois les émissions de gaz à effet de serre (GES) sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment.

Deux indicateurs sont à respecter :

  • Ic énergie (impacts liés à la consommation d’énergie sur 50 ans),
  • Ic construction (impacts des produits de construction et équipements).

Le respect de seuils sur ces deux indicateurs est obligatoire depuis janvier 2022 pour toutes les constructions neuves de logements individuels et collectifs, et depuis juillet 2022 pour les bâtiments à usage de bureaux, d’enseignements primaires et secondaires.

L’objectif : favoriser des matériaux sobres en carbone, une conception optimisée, et des équipements durables.

🔍 Exemple : Nous étudions l’impact d’une isolation en fibre de bois en lieu et place d’un doublage en polystyrène pour la construction d’une villa individuelle. Nous obtenons les résultats suivants :

-          Variante polystyrène                   ​IC Construction : 550.9/609.4 kgéqCO2/m²,

-          Variante fibre de bois                   ​IC Construction : 521.0/609.4 kgéqCO2/m².

Ce changement de matériau permet de réduire l’empreinte carbone globale du bâtiment d’environ 5 %.

3. Comment se fait une ACV dans la pratique ?

L’ACV est réalisée à l’aide de logiciels spécifiques (comme Pleiades), connectés à la base de données environnementales INIES.

Concrètement, voici ce que le bureau d’études thermique ou environnemental renseigne :

  • Les matériaux de chaque paroi (nature, épaisseur, surface, marque et type, etc.),
  • Les équipements techniques (chauffage, ventilation, plomberie, électricité, ascenseurs, production d’énergie renouvelable, etc.), ainsi que les réseaux associés (canalisations, chemins de câbles, etc.)
  • Les éléments décoratifs (peinture, sols, etc.)
  • Les éléments de structure et de VRD,
  • Les menuiseries intérieures et extérieures,
  • Les durées de vie et scénarios de remplacement
  • Les FDES (Fiches de Déclaration Environnementale et Sanitaire) ou PEP (Profil Environnemental Produit) associées

Les fiches FDES et PEP se divisent en trois sous-parties :

  • Les Données environnementales par défaut, déclarées par le Ministère de la transition écologique, souvent très défavorables par rapport aux autres fiches,
  • Les Déclarations collectives, déclarées par un groupement de fabricants et pour un certain nombre de matériaux,
  • Les Déclarations individuelles, déclarées par un fabricant pour un produit ou un ensemble de produits.

🔍 Exemple : La fiche environnementale par défaut d’un complexe de doublage en plaque de plâtre et polystyrène expansé avec un R compris entre 2,5 et 5 m².K/W présente une empreinte carbone de 26,48 kgéqCO2/m² sur 50 ans, tandis que la fiche individuelle d’un PREGYMAX avec un R de 4,8 m².K/W  présente une empreinte carbone de 10,79 kgéqCO2/m² sur 50 ans. L’impact carbone d’une fiche par défaut peut doubler par rapport à une fiche individuelle.

Il est donc essentiel de définir des orientations claires dès la phase de conception, afin d’éviter des écarts défavorables lors de l’étude réglementaire finale.

4. Ce que l’ACV change pour les pros du bâtiment

L’ACV vient bouleverser les habitudes des acteurs du projet :

  • Architectes : doivent désormais anticiper les impacts environnementaux dès la conception. L’orientation, la compacité ou le choix d’un matériau local peuvent faire la différence.
  • Entreprises : doivent proposer des solutions techniques bas carbone et documentées (FDES à fournir).
  • Maîtres d’ouvrage : mieux informés, ils peuvent faire des choix éclairés entre performance, coût, et impact.
  • Bureaux d’études : deviennent de vrais partenaires environnementaux, pas seulement thermiciens.

L’ACV permet ainsi d’introduire une logique de performance globale : énergétique, environnementale et même économique (TCO).

5. Les pièges à éviter

L’ACV n’est pas infaillible, et certaines erreurs peuvent fausser les résultats :

  • Utiliser trop de données par défaut : elles sont souvent pénalisantes en termes d’impact carbone,
  • Oublier certains équipements (ex : VMC double flux, climatisation, réseaux, etc.),
  • Faire l’analyse trop tard dans le projet, quand les choix sont déjà figés.

💡 Anticiper l’ACV dès la phase esquisse est la meilleure façon de respecter les seuils RE2020 sans surcoût.

6. L’ACV, levier d’innovation et de valorisation

Au-delà de la RE2020, l’ACV est un outil stratégique :

  • Elle ouvre la voie à des labels environnementaux : BBCA, HQE bâtiment durable, etc.
  • Elle permet d’innover en conception, avec des matériaux biosourcés, du réemploi, ou des procédés industrialisés,
  • Elle renforce la valeur verte d’un bien immobilier, de plus en plus regardée par les acheteurs et investisseurs.
Conclusion

L’ACV n’est pas un gadget réglementaire : c’est un nouveau langage commun entre architectes, ingénieurs, constructeurs et maîtres d’ouvrage pour concevoir des bâtiments plus respectueux de l’environnement. Elle exige une réelle expertise, mais représente également un formidable levier de différenciation sur un marché en pleine transition.

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