Construire avec des matériaux biosourcés : performance thermique et bon sens
Dans le contexte actuel, entre canicules estivales, recherche d'efficacité énergétique et volonté de réduire l'empreinte carbone des bâtiments, les matériaux biosourcés retrouvent une place de choix. Non pas comme solution marginale ou alternative "verte", mais comme réponse cohérente, technique, et efficace aux enjeux réels de la construction.
Qu'entend-on par matériaux biosourcés ?
Ce sont des matériaux issus de ressources renouvelables d'origine végétale ou animale. Dans le bâtiment, on parle surtout de fibre de bois, ouate de cellulose, chanvre, lin, liège, paille, ou encore de laine de mouton. Ils peuvent servir à isoler, à construire (ex : béton de chanvre), ou à réguler l'humidité.
Au-delà du “lambda”
Sur le papier, ces matériaux ont souvent un coefficient de conductivité thermique (λ) un peu moins performant que les isolants synthétiques (type polystyrène ou polyuréthane). Mais ce critère à lui seul ne suffit pas à juger de leur efficacité globale.
Ce qui fait la force des matériaux biosourcés, c'est leur capacité à stocker de la chaleur (leur inertie), à ralentir sa propagation (le déphasage thermique), et à gérer l'humidité sans pathologie (propriétés hygrothermiques).
Confort d'été : un levier essentiel
La question du confort hivernal n'est plus à prouver pour les matériaux biosourcés. Leurs conductivités thermiques est certes moins performantes qu'une mousse polyuréthane, mais elle reste performante. Le vrai débat se joue sur le confort d'été.
Lorsqu'une onde de chaleur touche une paroi (exposition au soleil ou température extérieure élevée), un isolant classique laisse passer cette chaleur rapidement vers l'intérieur : la chaleur se caractérise par une onde avec une amplitude et une phase, l'amplitude diminue à la traversée de l'isolant mais la phase évolue peu. Un matériau biosourcé, plus dense, avec une composition organique, mettra plus de temps à transmettre cette chaleur : l'amplitude est moins réduite mais la phase augmente, le temps pour que la chaleur "atteigne" l'intérieur augmente. C'est ce qu'on appelle le déphasage thermique. Sur un cycle jour/nuit, cela peut faire toute la différence entre une maison qui reste tempérée et une maison qui surchauffe.
Prenons l'exemple d'une fibre de bois dense de 14 cm d'épaisseur : elle peut atteindre un temps de déphasage de 10 à 12 heures, contre 1 à 2h pour une mousse polyuréthane. Cela signifie que la chaleur du pic solaire de 14 h n'arrive que tard le soir à l'intérieur, moment où une ventilation naturelle peut l'évacuer. Ce comportement est fondamental pour le confort d'été sans climatisation.
Régulation de l'humidité : un bénéfice souvent oublié
Ces matériaux sont ouverts à la diffusion de vapeur d'eau. Ils peuvent absorber un excès d'humidité temporairement, puis la restituer progressivement. Cela limite les risques de condensation dans les parois, tout en améliorant la qualité de l'air intérieur.
Dans une maison ancienne, cette propriété est déterminante : elle permet au mur (souvent en pierre ou en brique pleine) de continuer à respirer tout en étant isolé.
Des mises en œuvre de plus en plus standards
Les matériaux biosourcés disposent aujourd'hui d'avis techniques, de FDES (fiches environnementales), et de systèmes validés. Leur mise en œuvre est maîtrisée, que ce soit en ITE (isolation par l'extérieur) ou en ITI (isolation intérieure), en construction neuve comme en rénovation.
Ils sont adaptés à tous types de supports : ossature bois, béton, pierre, brique. Et leur comportement hygrothermique en fait des alliés puissants pour préserver les qualités d'origine du bâti.
Et la RE2020 ?
La réglementation environnementale valorise ces matériaux. Non seulement ils permettent d'améliorer le confort d'été (moins de surchauffes = moins de besoin de climatisation), mais surtout ils réduisent l'indicateur "IC construction" (impact carbone de la construction), grâce à leur faible énergie grise et leur capacité à stocker du carbone.
Néanmoins, l'utilisation de matériaux avec un lambda très faible (type polyuréthane, laines minérales, etc.) restent largement valorisés par la RE2020 au niveau des calculs de Bbio. Les calculs réglementaires restent majoritairement des calculs "statiques" (pas de temps mensuel pour les Bbio/Cep/Cep,nr) et le gain sur le confort d'été des matériaux biosourcés est principalement valorisé par un calcul "dynamique".
En conclusion
Les matériaux biosourcés ne sont pas une alternative à la construction : ce sont des solutions techniques à part entière. Ils apportent confort, durabilité, régulation hygrométrique, et performance thermique réelle.
Les comprendre, les choisir judicieusement, les mettre en œuvre avec rigueur : voilà les clés d'un bâtiment sain, confortable et résilient.